mercredi 14 décembre 2011

Fusillade, J+1: les Liégeois font bloc


LIÈGE - Quelques attroupements, beaucoup d’émotion et un seul sujet de conversation. Les Liégeois ne fuient pas la place. Au contraire.

Place Saint-Lambert, 8 h 20, fusillade J + 1. Que reste-t-il de la panique de la veille ? Que reste-t-il du chaos, des cris, des galopades éperdues ?

Rien. Presque rien. Le contrecoup. Des fleurs, des bougies, des jeunes au coude à coude, quelques débris de verre au sol, un peu de rubalise de la police. Et puis, ces quelques patrouilles qui arpentent régulièrement la place, suffisamment discrètes pour ne pas inquiéter, assez visibles pour rassurer.

« En restant ensemble… »

Il y a cette banderole tendue pendant la nuit au-dessus du tunnel des bus : « Dessine-moi un mouton ». Le message se répète sur des dizaines de feuilles collées sur les parois des abribus : « Notre seul ennemi, c’est la peur, en restant ensemble on sera plus forts».

Les bus roulent. Les gens patientent, comme chaque matin. Les magasins sont ouverts. On prépare les churros dans les chalets du Village de Noël. RAS. Mais il n’y a qu’un seul sujet de conversation : le carnage. « T’étais où, toi ? » Les Liégeois, dirait-on, sont d’accord avec le message des abribus. Ils restent ensemble. Et ils se racontent inlassablement ce mardi de fou.

Un ado en survêtement blanc montre l’abribus qui a perdu toutes ses parois. « J’étais là hier. J’ai failli passer juste là. Je te jure ! » Son copain écoute, impressionné. «À quelques secondes près…»

Sur le toit du Point chaud, là où Nordine Amrani s’est posté pour canarder la foule, rien ne laisse imaginer… Le sapin de la société Yvan Paque domine la scène, intact. Et une partition de pigeons somnole sur la rambarde. C’est tout.

« Il lui ressemblait vraiment ! »

À l’intérieur du Point Chaud, c’est l’ambiance de tous les jours. Cafés, croissants. Les caméras en plus. Derrière le comptoir, le jeune vendeur n’a rien manqué du drame. Comme en témoignent les impacts de balle sur la porte vitrée du snack, il était aux premières loges. «Je n’ai pas dormi. Normalement, on devait fermer. Mais la police nous a demandé d’ouvrir». Il sourit bravement. « Au fond, çam’arrange. Je m’occupe l’esprit ».

Dans la galerie Saint-Lambert, Mireille a attendu 6 heures du matin pour savoir s’il fallait ouvrir sa brasserie « Du Nord au Sud ». Elle est presque certaine d’avoir vu le tueur deux jours plus tôt. « Il était là, près de la poubelle de l’entrée. Et il me fixait. C’était bizarre. Je ne baissais pas les yeux non plus. Ça a duré un moment comme ça. Puis, j’ai tourné la tête et il a disparu en même pas une seconde ». Elle se frotte les bras. Chair de poule. « Je n’en suis pas sûre à 100 %. Mais il lui ressemblait vraiment ! »

Mardi, elle a entendu les détonations, les tirs. « Les gens sont arrivés d’un seul coup, en courant. Une vague… » Comme toujours, le grand portique tournant de l’entrée s’est bloqué parce que les gens sont arrivés trop vite, trop nombreux. « Ils étaient coincés, ils paniquaient. Ici, c’était plein. Les clients se sont levés d’un coup. J’ai dit qu’ils pouvaient partir s’ils voulaient. Mais que je pouvais aussi les mettre à l’abri. Certains sont restés. J’ai baissé le volet. Et on a attendu à l’intérieur, sans faire de bruit.»

Pas d’info, le réseau saturé… « La rumeur disait que ça tirait partout. C’était… la peur. En fait, à ce moment-là, c’est moi qui serais bien partie. Pour ce qu’on en savait, ça pouvait venir de partout. On nous a évacués vers 14 h 30». Soulagement.

Une dame vient chercher son parapluie, abandonné la veille dans la pagaille. « Si le tireur était toujours dans la nature, je ne serais jamais revenue ici», glisse Mireille. Qui se refrotte les avant-bras.¦

0 commentaires:

Enregistrer un commentaire

 

Gaby "un peu de tout"